Ecrivain confirmé
et politicien engagé, Victor Hugo est réputé pour avoir marqué le XIXe siècle. En
effet cet homme occupant aussi les fonctions de poète, dramaturge a su inscrire
ses œuvres aussi bien dans la littérature que dans la politique, ce qui fait de
lui un homme engagé complet.
Ses combats principaux furent axés sur les inégalités sociales, l’accès à l’éducation ainsi que la peine de mort. Suite à la parution de son roman Le Dernier jour d’un condamné en 1829 qui vantait l’abolition de la peine de mort, Hugo découvre trois années après dans un article de presse de la « Gazette des tribunaux » l’histoire du procès d’un certain Claude Gueux qui fut condamné à mort à cause d’un meurtre. Cet évènement macabre est pourtant une aubaine pour l’auteur : en effet, il va s’approprier l’histoire du défunt pour lutter contre la peine de mort, en racontant son histoire depuis son entrée en prison jusqu’à sa mise à mort. Le roman sera ainsi fondé sur des faits réels en plus de la touche d’engagement d’Hugo et paraîtra deux ans plus tard, soit en 1834.
Ses combats principaux furent axés sur les inégalités sociales, l’accès à l’éducation ainsi que la peine de mort. Suite à la parution de son roman Le Dernier jour d’un condamné en 1829 qui vantait l’abolition de la peine de mort, Hugo découvre trois années après dans un article de presse de la « Gazette des tribunaux » l’histoire du procès d’un certain Claude Gueux qui fut condamné à mort à cause d’un meurtre. Cet évènement macabre est pourtant une aubaine pour l’auteur : en effet, il va s’approprier l’histoire du défunt pour lutter contre la peine de mort, en racontant son histoire depuis son entrée en prison jusqu’à sa mise à mort. Le roman sera ainsi fondé sur des faits réels en plus de la touche d’engagement d’Hugo et paraîtra deux ans plus tard, soit en 1834.
La parution de Claude
Gueux se fait dans un nouveau cadre
grâce au règne naissant de
Louis-Philippe lors de la monarchie de Juillet. En effet ce régime considéré
comme une monarchie moderne accorde plus de liberté aux « citoyens » :
on voit la censure de la presse abolie, le catholicisme n’est plus
automatiquement associé à la religion de l’état et d’autres mesures sont prises
afin de favoriser la condition de l’Homme. C’est un grand bon avant pour la
liberté d’expression et la volonté d’égalité. Cependant, la classe en profitant
le plus est la bourgeoisie libérale qui règnera jusqu’à la Révolution amenant à
la deuxième République en 1848. La distinction sociale s’accentue tandis que de
la venue du choléra et la montée du chômage renforcent les inégalités. En 1830,
le code pénal est amendé en étant plus clément face aux criminels. On construit
de plus en plus de prisons afin de les accueillir dans de réelles structures et
non plus les torturer. Malgré tout, ce n’est pas assez pour Victor Hugo ;
les mesures prises comme l’invocation des circonstances atténuantes ou bien
comme l’interdiction des peines dites « barbares » ne suffisent plus.
La peine de mort n’est toujours pas anéantie. L’auteur est dans
l’incompréhension qu’un simple homme puisse encore juger un de ses confrères et
choisir de son exécution. L’évolution de son siècle doit forcément passer par
l’abolition de la peine de mort qui est la condamnation la plus inhumaine à ce
jour. Ses deux romans basés sur ce thème ne vont pas suffirent, et c’est ici
qu’il va intervenir en tant qu’homme politique. Le 15 septembre 1848, notre
homme va prononcer un discours devant l’Assemblée constituante en faveur de ce
combat qu’il mène depuis tant d’années. En voici un extrait :
« Messieurs, il y a trois choses qui sont à Dieu et qui n’appartiennent
pas à l’homme : l’irrévocable, l’irréparable, l’indissoluble. Malheur à l’homme s’il les introduit dans ses
lois. Tôt ou tard elles font plier la société sous leurs poids, elles dérangent
l’équilibre nécessaire des lois et des mœurs, elles ôtent à la justice humaine
ses proportions […] la loi épouvante la conscience… ». Il exprime ici la
nuance à faire entre la loi et la justice. Tous les hommes sont égaux et ne
peuvent se le prétendre, que s’ils ne prennent pas de décisions semblables au
pouvoir de Dieu, soit celle de la mise à mort. Mais revenons à notre œuvre.
Comme il a été dit plus tôt, la misère et la maladie touchent une partie de la
population qui se voit démunie. Elle se voit laissée à elle-même et ne sait
plus comment agir face au pouvoir détenu par la classe supérieure bourgeoise.
Les pauvres volent de plus en plus pour tenter une issue face à leur
malheureuse condition. La classe ouvrière, particulièrement touchée par la
crise se voit dans l’incapacité de s’en sortir. Laissés à l’abandon, les victimes
sont devenues celles de la société.
Martyre de la
société, tout comme le souligne explicitement l’incipit de Claude Gueux
par la phrase suivante « On va voir ce que la société en a fait ». Ce
commentaire direct d’Hugo nous renseigne explicitement sur son engagement et sa
volonté de prouver à tous qu’un criminel est engendré par la société entière, autant
par les dirigeants suprêmes, que par le peuple lui-même. Le titre du roman
n’est pas singulier, c’est réellement le nom du condamné à mort pour lequel va
s’éprendre notre auteur. Il s’approprie l’histoire de ce voleur devenu
meurtrier à cause de la décadence du monde qui l’entoure. En effet, l’œuvre
possède la notion de réalisme car elle retrace de manière brève mais efficace,
la vie de ce personnage réel devenu l’exemple même d’un enfant de la société
mis à mort par les lois de cette dernière.
Claude Gueux
A Paris, en hiver,
Claude Gueux est désigné dès le début comme un misérable ouvrier. Pas marié, mais entretenant une relation avec
une fille des trottoirs, ils possèdent à deux une petite fille. Alors que la
famille déjà peu exemplaire, croule sous la basse qualité de vie et sous un
logement précaire désigné comme « galetas », il arrive un jour où le
froid et la faim de font réellement ressentir. En tant qu’homme de famille,
Claude décide de voler pour satisfaire les besoins que requiert son logis. Il
réussira à combler les nécessités de sa fille et son enfant pour trois jours
mais sera par ailleurs directement arrêté et incarcéré à la maison centrale de
Clairvaux, et ce pendant cinq années. L’exagération de la peine est de suite annoncée
par le début de la nouvelle simplifié. Arrivé à la prison qui représente une
infrastructure de la monarchie, notre personnage est de suite envoyé entre
« cachot » et « dépôt » tel un moins que rien. Le ton de la
nouvelle est directement donné ; Claude symbolisera l’opposition de la
société et ses représentants. Et ce, notamment par le biais d’un personnage
clef au sort du condamné ; le directeur des ateliers. Cet homme tyrannique
nommé par les initiales M.D illustre le type même de l’homme sadique, sans
compassion, voir sans humanité. Ce dernier se croit élevé par son statut
d’homme d’état, mais ne représente rien aux yeux des prisonniers mis à part la cause de leur souffrance.
Les prisonniers, tous du côté de Claude
brossent la masse des pauvres et des délaissés de la société. Ils s’opposent
tous à l’assurance tyrannique de M.D.
Ces deux gravures d’Eugène Hugues datant de 1883 opposent
les attitudes de Claude Gueux à gauche et de son directeur d’ateliers à droite.
Tandis notre personnage se tient légèrement penché, l’air méfiant et craintif,
son supérieur est illustré tel un chef confiant le regard au loin tel un
visionnaire. Cette différence d’attitude annonce la suite de la nouvelle qui
sera un défi entre ces deux protagonistes. En effet, chaque requête de Claude
est refusée par M.D. Ce dernier est vu comme l’ennemi principal. Son caractère
sans aucune morale est à plaindre. Perçu comme hautain, son opiniâtreté fait de
lui un être idiot intérieurement « il allait tête haute et à travers toute broussaille jusqu'au bout de la chose absurde. L’entêtement sans l’intelligence,
c’est la sottise soudée au bout de la bêtise et lui servant de rallonge […]
homme médiocre et obstiné qui avait foi en lui et s’admirait. Il y a par le
monde beaucoup de ces petites fatalités têtues qui se croient des
providences ». Victor Hugo ne cesse d’introduire des commentaires sur ce
personnage qui illustre l’ensemble des personnes de la société qu’il déteste. L’engagement
de l’auteur est prouvé par ses commentaires omniprésents et moralistes. Il se
base sur des faits, mais apporte son avis afin d’orienter la pensée du lecteur.
Claude Gueux en devient son héros. Il se fait respecter des autres prisonniers,
ce qui renforce la haine de M.D à son égard. Le directeur des ateliers souhaite
être le seul à véhiculer l’image de chef. Mais il n’y peut rien, notre
personnage fascine ses camarades du fait de sa prestance et de son influence.
Il se servira notamment de son pouvoir afin d’augmenter sa ration quotidienne,
ce qui lancera concrètement l’élément déclencheur de la guerre fatale entre lui
et M.D.
Nous venons de le voir, Claude Gueux symbolise le chef de
file aussi bien des prisonniers, des misérables que des victimes de la société.
Il représente la partie populaire de la population. Il s’oppose ainsi au reste
de la société, de ses dirigeants qu’illustre le chef des ateliers. Les deux
protagonistes se lient un combat sans fin. Malgré sa maigre
classe sociale, Hugo fait de son personnage réel un héros noble « honnête
[…] une figure digne et grave. C’était une belle tête. » Le lecteur en est
proche et devient fasciné par cet homme pourtant simple qui paraît courageux et
respectable selon l’écrivain.
Hugo attendrie le
lecteur grâce à son protagoniste principal. En effet, dans la deuxième partie
de la nouvelle, ce dernier lie une forte et profonde amitié avec un prisonnier
du nom d’Albin. Ce jeune homme d’à peine vingt ans est le modèle du naïf, frêle
et candide qui est fasciné par Claude l’imposant. Pour lui prouver sa fidélité,
il lui donnera même une partie de son pain et ce, quotidiennement. Alors qu’en
réalité, les deux hommes semblaient entretenir une relation charnelle, Hugo la
modifie en relation amicale afin de se concentrer sur l’action principale. Les
deux détenus ont réussis à construire une forme de bonheur autour d’eux, ce qui
s’oppose à l’ambiance haineuse que peut instaurer une prison. C’est pourquoi
M.D va s’opposer à cette relation trop utopique. Il en est jaloux et va décider
de se venger de Claude en le séparant de son nouvel ami. Alors que l’un était
l’univers pour l’autre, cette rupture était beaucoup trop dure pour notre
héros. Ce simple incarcéré possède des sentiments profonds et sincères :
il représente le semblant d’humanité parmi la haine ambivalente qu’entretenait
le représentant de la société, M.D.
Par ailleurs,
l’écrivain va appuyer sur l’homme qu’est Claude en lui ajoutant ce sentiment de
manque à l’égard de sa lueur d’espoir et de bonheur désormais envolée ; « Pourquoi
me séparez-vous d’Albin ? ». Cette question signait son désespoir. Alors
que l’ennemi restait sur ses positions, notre héros fit preuve d’une grande
intelligence en paraissant calme, serein et ce, malgré sa solitude. Au
contraire de M.D qui avait agi à cause de son sentiment de jalousie, Claude
méditait pendant de longues semaines pour enfin assouvir ce qu’il pensait
juste. Il tua M.D. Ce geste désacralisant toute l’humanité de notre
protagoniste est en réalité attendu par le lecteur. Hugo a orienté sa position
en faveur du détenu afin de justifier son acte ultime. La condamnation à mort
est donc perçue comme injuste face à l’acte cruel de M.D envers Claude. Le
héros est ici fatal, l’auteur l’a pensé ainsi.
C’est dans cette
nouvelle commentée par l’écrivain que le thème de l’abolition de la peine de
mort est soutenu. En opposant un supérieur à un prisonnier, Victor Hugo a su
humanisé le meurtrier en moralisant son œuvre par la problématique : qui
est le véritable meurtrier ? Car en effet, Claude Gueux, enfant de la
société a été abandonné par cette dernière. Nous ne pouvons donc pas lui
reprocher ses actes perçus comme irresponsables. L’auteur a su retourner la
situation par le jugement de la victime et du meurtrier. Son engagement
discerné à travers toute l’œuvre provenant d’un fait réel, fait méditer le
lecteur et la société entière sur la décadence de la justice et des inégalités
prépondérantes entre les différentes classes sociales.
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