jeudi 20 février 2014

Sommaire





Introduction

I/ Un modèle de société remis en cause


II/ Des inégalités sociales


III/ Un idéal politique controversé


Conclusion

mercredi 19 février 2014

Introduction

Le roman peut être un instrument précieux au service de l'engagement de l'auteur et doit donc être perçu comme tel et non comme un  simple témoignage objectif sur l'histoire de la société. Nombreux sont les romanciers qui ont ainsi défendu une cause qui leur tenait à cœur à travers les histoires de personnages de fiction. Ici, le personnage pivot du récit constitue l'outil principal véhiculant l'engagement. Les auteurs du XIXe et XXe siècles se l'approprient personnellement afin de partager leur(s) combat(s) contre les injustices de leur époque. En effet, ils établissent une critique envers leur société que ce soit à propos de son modèle remis en cause, des inégalités sociales toujours présentes ou bien encore d'un régime politique dont les bienfaits restent toujours incertains. C'est pourquoi nous avons décidé de vous présenter une étude axée sur la fonction du personnage de roman à travers l'engagement de l'écrivain.
Si les auteurs du XIXe tels Victor Hugo et Emile Zola entreprennent une lutte contre les injustices sociales, George Orwell quand à lui dénonce l'essor du communisme de Staline ayant engendré le régime totalitaire de l'Union des Républiques Socialistes et Soviétiques.
Nous pouvons alors nous demander dans quelle mesure le personnage est-il représentatif de l'engagement de l'auteur ?



mardi 18 février 2014

I/ Un modèle de société remis en cause

Le XIXe siècle est marqué par l'apparition d'une nouvelle classe sociale : la classe ouvrière.
Cette classe ouvrière dominé par la bourgeoisie provinciale est l'illustration même d'une société délaissée vivant dans des conditions épouvantables.
La société minière est sûrement la plus atteinte du XIXe siècle , en effet du nourrisson à l'adulte tous connaissent une vie de dur labeur sans retour financier adéquate à leur travail difficile.
En effet durant le second Empire le monde ouvrier a une prise de conscience sur sa situation, Cette société connait les réformes dont elle peut bénéficier ainsi que ces droits, Le secteur ouvrier semble reconnaître la précarité de leurs vies ainsi que de leurs logements qui ne constitue en général une seule pièce, En effet , pour une famille ouvrière de cinq enfants une seule pièce et un point d'eau sont présents, C'est dans ce secteur que la mortalité infantile est la plus forte dues aux différents travaux qu'ils doivent supporter, Comme l'accrochage et décrochage des berlines, etc. Les techniques sont rudimentaires, les risques d'accidents sont dangereux et l'hygiène encore peu présente.



      


Sous le second Empire plusieurs mutations rapides engendrées par la prospérité et l'exode rural ont touché les cadres de vies , notamment des tensions entre les classes , un fossé se creuse entre lieu de travail et domicile particulièrement pour la classe bourgeoise qui tient à s'éloigner de la classe ouvrière . Pour conclure une situation politique en crise et la montée du mouvement ouvrier fait resurgir une peur sociale au sein de la bourgeoisie.

 Ainsi dans ce contexte de lutte sociale de la classe ouvrière que Zola place son treizième volume des  Rougon-Macquart  Germinal.
Le roman se situe vers 1865 sous l'Empire autoritaire, cette époque est la naissance des mouvements socialistes et des grèves, A travers toutes ces révoltes de l'Empire , les différentes péripéties de Germinal  illustrent les soulèvements des salariés donc la lutte du Capital et du Travail.


Zola

Émile  Zola ( 2 avril 1840 au 29 septembre 1902) écrivain naturaliste, connu pour sa fresque romanesque de vingt volumes a mis en scène la trajectoire d'une famille à travers différentes générations dont chacun des protagonistes fait l'objet d'un roman.
Cet auteur aussi célèbre pour son travail minutieux et méthodique comme il le précise lui même dans cette citation :

 «Ma façon de procéder est toujours celle-ci: d'abord je me renseigne par moi-même, par ce que j'ai vu et entendu; ensuite, je me renseigne par les documents écrits, les livres sur la matière, les notes que me donnent mes amis; et enfin l'imagination, l'intuition plutôt, fait le reste. Cette part de l'intuition est chez moi très grande, plus grande, je crois, que vous ne la faites. Comme le disait Flaubert, prendre des notes, c'est être simplement honnête; mais les notes prises, il faut savoir les mépriser.»

L'écrivain commençait la rédaction de ses œuvres en deux  étapes , tout d'abord un dossier préparatoire où plusieurs réflexions théoriques sont écrites ensuite de divers brouillons.
Zola nous fait part de son engagement déterminé  pour cette société minière notamment par son roman mais aussi par toutes ces démarches entreprises avant la réalisation finale de Germinal,
En effet l'écrivain avait préparé un dossier volumineux de plus de neuf cents soixante deux feuillets , il était le compte rendu de ses multiples visites des mines d'Anzin , toutes ces discussions et réunions du Parti ouvrier, Il a donc réalisé plusieurs investigations notamment des recherches scientifiques sur le monde et le fonctionnement de la mine, Il aussi pris connaissance de divers ouvrages et articles de journaux sur le monde de la mine , des problèmes économiques contemporains et des gréves du socialisme,
Sur ce thème , l'auteur s'est entretenu avec le peintre Roll de la toile La Gréve des mineurs. Du 23 février au 03 mars 1884 , Zola enquête à Anzin , dans les mines de charbon en pleine gréve pour l'écriture de son roman Germinal.



 Suite à cela Germinal peut être perçu comme un documentaire ou une retranscription directe des révoltes du monde de la mine,
Zola présente la genèse de Germinal :

 « J'ai toujours, dans la série des Rougon-Macquart , gardé une large place à l'étude du peuple , de l'ouvrier, et cela dès l'idée première de l'œuvre. Mais ce n'est qu'au moment de L'Assommoir  que, ne pouvant mettre dans ce livre l'étude du rôle politique et surtout social de l'ouvrier, je pris la résolution de réserver cette matière,pour en faire un autre roman .Et, plus tard , ce projet s'est précisé , lorsque je me suis rendu compte du vaste mouvement socialiste qui travaille la vielle Europe de façon si redoutable .Le cadre d'une grève s'est imposé naturellement à moi comme le nécessaire, Germinal est donc le complément de L' Assommoir, les deux faces de l'ouvrier.»

Cette œuvre  du second Empire peint une société victime d'un travail hargneux, de problèmes financiers , de logements miteux et en proie à un fort alcoolisme.
  Tout d'abord le titre Germinal évoque l'une des grandes journées révolutionnaire le douze germinal an III ( 1er avril 1795 ) durant laquelle le peuple réclame du pain en envahissant la Convention, Une atmosphère de révolte c'est ce qu'a choisi l'auteur comme référence à son roman,
Germinal publié en 1885 met en scène et sacralise les luttes sociales de la fin du second Empire dans le milieu ouvrier de la mine au nord de la France,
Ce récit met en contraste la famille Maheu  une famille pauvre à celle de la famille Grégoire riche famille de la bourgeoisie provinciale,
Cette opposition est marqué durant tout le roman, Ainsi diverses catastrophes accablent toujours la même famille , celle des époux Maheu et leur sept  enfants , intensifiant alors leur côté dramatique,

L'action du roman se situe entre mars 1866 et avril 1867 à Montsou, dans le Nord de la France. Zola va manifesté son engagement pour le monde ouvrier à travers le personnage d'Étienne Lantier. Il est le protagoniste de l'œuvre , fils de Gervaise et demi-frère de Nana , est engagé comme mineur au puits du Voreux. Ce personnage est tout d'abord extérieur au milieu minière et aussi un ignorant qui va poussé à la révolte . En effet , acquis au syndicalisme et aux théories socialistes, il prend l'initiative de créer une caisse de secours pour tous les mineurs.


Lantier

Lantier apprend progressivement un métier se découvre une passion et finit
par se former comme un militant ouvrier.
Son arrivée et son départ délimite le cadre spatio-temporel du roman.
Il donne alors à Germinal la dimension d'un roman d'apprentissage.
Individu et personnage collectif, son aventure est à la fois une formation personnelle et une prise de conscience générale. Ainsi grâce au personnage d'Étienne Lantier , l'auteur dévoila sa vision du monde ouvrier. En effet, à travers le regard du personnage on se rend compte que le travail pour la classe ouvrière est représentée comme un mode de survie et d'éthique. On peut comparer l'auteur et son protagoniste , car tous deux sont extérieurs aux conditions précaires qui touchent les mineurs puis de part leurs idées et leur engagement ils se battent pour faire valoir les droits d'une société. Avec la mise en place de grèves et de révoltes .La comparaison entre l'incipit et l'épilogue démontre la maturation d'Étienne en symbiose avec la nature en plein renouveau printanier or son arrivée s'était déroulée dans un cadre sombre en pleine mine active. Cette fin où Lantier est survivant d'un accident dans la fosse préfigure celle du peuple qui sera délivré de sa misère.
Ainsi Zola représente la sortie de la mine du héros «les cheveux tout blancs» pour symboliser que riche de son expérience il peut désormais s'attaquer à d'autres révolutions.
On peut donc conclure que la fin du roman est tourné vers le futur et que Zola a rempli sa mission assignée lors de la préface de L'assommoir, écrire sur le peuple non pour traiter un sujet exotique mais pour dénoncer les méfaits du Capital et montrer la nécessité d'un monde meilleure.

  Germinal restera l'œuvre la plus connue de Zola et graver à jamais dans les mémoires de toute une génération. L'illustration même de sombres mineurs déclenchant une gréve meurtrière et sanglantes pour améliorer leur épouvantables conditions de vie et de travail. A la mort de l'auteur, le peuple défila sur sa tombe tandis qu'un groupe de mineurs scandait le cri de «Germinal» «Germinal».

 Aujourd'hui plusieurs hommages sont rendus à cette œuvre notamment le film de Claude Berri , GERMINAL dont voici la bande annonce, parfaite représentation du cadre de l'histoire.



lundi 17 février 2014

suite

En 1948, Georges Orwell, dans son roman 1984, décrit la vie de Winston Smith, après l’implantation de l’ère nouvelle soumise au régime totalitaire. Il a voulu montré le pire prototype d’un régime de ce type, poussé aux excès. L’auteur anglais est témoin des pires périodes de son siècle dont l’implantation des régimes totalitaires nazi et soviétique. L’ancrage de ce dernier est son inspiration pour cette œuvre. En effet en URSS, Staline est à la tête du parti unique communiste qui prône ses bienfaits alors que le seul objectif est le pouvoir. Le totalitarisme soviétique se singularise par le culte de la personnalité de Staline. Chaque forme de communication est mis en œuvre pour glorifier le chef et rendre ses actions comme bienfaisantes. A la différence du totalitarisme nazi par exemple, le stalinisme pense que tout est dans les esprits. La propagande est le symbole de l’emprise sur le peuple. On décide de changer les pensées et rééduquer le peuple. Dans 1984, le même principe est souligné mais en creusant tellement loin que le thème principal en est la contre-utopie. 



Orwell

C’est trois années après la seconde guerre mondiale que parait le roman futuriste 1984. Trois années en effet où les esprits ont pris conscience de l’atrocité du contexte guerrier présent à travers le monde. Cette moitié du XXe siècle s’est vu ravagée par deux guerres mondiales qui ont changé les êtres et leurs mœurs. Ce changement de mentalité s’observe sur tous les domaines, ainsi, la vie politique a étendu son influence sur des populations ravagées moralement et a désormais évoluée laissant place à la venue d’idéologies extrémistes. Vaincre le mal par le mal, telle est l’idée synthétisant les deux grandes nouvelles idéologies totalitaristes de ce siècle. Après l’horreur guerrière (1914-1918) et la décadence prépondérante des nations au fils des années, les peuples n’ont confiance qu’en un système fort, puissant, assurant la survie et la renaissance des hommes.  De ce fait, les totalitarismes nazisme et soviétique se développent sur la période d’entre-deux-guerres, n’admettant qu’un parti unique et aucune opposition. En plus d’être des dictatures, ils se singularisent par l’omniprésence de l’état dans la vie du peuple, instaurant ainsi une manière de penser, l’idéologie. Ils seront l’inspiration majeure de notre roman. Cependant, l’œuvre se penche plus sur le régime totalitaire de l’URSS, toujours présent au sortir de guerre. Alors que l’Allemagne nazie a été vaincue, elle est dirigée par les vainqueurs : les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France qui permettent ainsi sa renaissance basée sur d’inédits principes démocratiques. Au contraire, le totalitarisme soviétique est à son essor. L’URSS possède de même une partie de l’Allemagne qui est menée dans une toute autre façon, en instaurant des fondements cette fois-ci, communistes. L’Union s’est étendue à travers l’Europe de l’Est et fait régner son régime totalitaire sur un plus grand territoire. Ainsi, Orwell a décidé de se pencher sur ce cas afin d’envisager l’évolution d’un tel totalitarisme en 1984. Il s’inquiète en fait du futur du dernier totalitarisme encore actif au monde car l’œuvre futuriste évoque la notion de modernité des moyens mis en œuvre pour contrôler la population sur tous les points, ce qui mettrait en péril les libertés humaines. Les techniques de prise de pouvoir sur le peuple soviétique ont été des éléments majeurs à l’implantation du totalitarisme. En effet, l’enrôlement est la mise en confiance de la population face à l’idéologie obligatoire. L’état soviétique a tout d’abord usé de la propagande : cinéma, affiches, chants, organisations, parades… tout était créé avec une visée patriotique. La recherche d’innovation permet même l’utilisation du photomontage aidant à la suppression des mis à morts du parti communiste sur les dossiers et photos.


Exemple : élimination de Trotski, ancien bras droit de Staline


Cet exemple illustre le progrès du régime afin de prôner la perfection du parti unique : la présence d’aucun ennemi au sein de l’Union affirme sa perfection et ses bienfaits. Cette étape est décrite comme franchie à travers le roman. En effet le culte de la personnalité du chef du parti communiste, Staline, a inspiré l’état idéalisé de l’œuvre.  Orwell s’attache plutôt à l’étape suivante qui consiste à contrôler rigoureusement les sujets et à éradiquer chaque personne menaçant l’ordre établi. En URSS, la police de l’état, la NKVD assure l’autorité, notamment lors des Grandes Purges, période d’extermination des opposants réels ou perçus comme menaces du parti communiste ; elle fera en tout plus de 3 millions et demi de victimes. L’Union soviétique se montre comme utopie alors qu’elle est tout autre. Elle ne souhaitait pas radicalement exterminer les obstacles, mais avait pour but de rééduquer leurs esprits tout en usant de leurs travaux pour l’Etat dans les goulags. Ces camps de travail principalement situés en Sibérie laissaient une mince chance de survie pour les condamnés (dures conditions de vie : froid, maladies, pénuries etc). L’auteur a ainsi fait de son monde futuriste, une dystopie (contre-utopie ; monde fictif qui bannit le bonheur) parfaite tout comme le régime totalitaire soviétique l’était. En 1948, lors de la parution du roman, l’Union soviétique et son système sont toujours d’actualité. Encore plus puissante du fait de sa politique d’expansion lors de la seconde guerre mondiale, elle construit autour d’elle une alliance communiste qui s’oppose aux principes de la relation des puissances franco-anglo-américaine. Les deux groupes forment respectivement deux pôles distincts : le bloc de l’Est et celui de l’Ouest. Un an auparavant, le plan Marshall a été l’élément déclencheur de cette séparation ; les Etats-Unis financent la reconstruction de l’Europe afin d’étendre son influence et sa lutte nouvelle contre l’URSS. Désormais, une grande partie du monde voit d’un mauvais œil l’évolution du dernier totalitarisme post-guerre. Orwell, britannique se permet donc de mettre en garde contre le système totalitaire soviétique qui menacerait le pacifisme mondial et surtout, l’Humanité.
En 1984, Londres est devenue la capitale de l’Océania, région anglophone du nouveau monde. Cette nouvelle ère laisse place à un régime totalitaire dirigé par le parti unique du Big Brother. Plus rude que n’importe quelle dictature, l’Homme n’est plus et constitue uniquement une masse endoctrinée, dirigée aussi bien physiquement que mentalement. Voici la particularité de ce monde. Les esprits sont identiques et contrôlés bien évidemment par une élite qui s’accapare les richesses et laisse les populations inférieures sans ressources. Mais pour régner, l’ordre mondial totalitaire doit être assuré. Tout comme le régime totalitaire basique, la propagande est l’arme majeure. Mais dans le roman vu comme futuriste, de nouveaux moyens sont mis en œuvre. C’est ainsi que la technologie et l’innovation ont été mises à profit pour l’emprise du peuple.  Le régime de l’Oceania utilise le plus souvent des télé-écrans, d’une part pour diffuser des messages de propagande ou bien d’instaurer une crainte face au visage permanent de Big Brother, d’autre part pour enregistrer chaque conversation afin de sanctionner l’homme ayant émis une parole suspecte. Chacun des lieux est surveillé de cette manière, ainsi, un opposant au régime peut vite être démasqué, mais la plupart du temps, cela incite à se conformer aux règles et à croire au bienfait de ce Big Brother tant vénéré par le culte de la personnalité. Le choix de son nom signifiant « Grand frère » lui ajoute la notion de protecteur intime et amical, ce qui est un paradoxe du principe de non-affection entre les habitants de l’Océania. C’est la « désintégration du noyaux familial » qui prône la dénonciation des membres d’une même famille. Tout comme le surnom attribué à Staline « petit père des peuples » alors qu’il séparait les enfants de leur famille afin d’éduquer et d’orienter leur esprit dans des organisations patriotiques.

Le portrait de ce dernier est décrit comme « plein de puissance et de calme mystérieux » mais aussi en tant que « lourd, calme, protecteur ». Ces antithèses renforcent l’image bienveillante qu’installe son visage permanent. L’histoire de Big Brother brosse la figure d’un surhomme historique s’étant démené pour son peuple dès le début du nouveau monde lors de la Révolution : « chef et gardien de la Révolution depuis les premiers jours ». Le Parti vante ses exploits auprès de la population qui le vénère malgré le doute qui plane au-dessus de son existence. En effet, Big Brother n’est jamais apparu autrement que par l’exposition de son visage sur les affiches ou télé-écrans. De plus, de nouveaux exploits à son égard sont racontés de jour en jour alors que la Révolution s’est faite quarante voir cinquante ans auparavant. Il est comme immortel. Ainsi, l’existence de ce « Grand Frère » tant glorifié semble être erronée : il n’est qu’un outil du Parti pour assouvir son pouvoir car chaque masse a besoin d’un modèle.



                                                       
L’illustration ressemble étonnement au portrait d’un espion soviétique Richard Sorge provenant d’un timbre. Big Brother est représenté comme un homme d’environ 40 ans, marqué par ses traits durs, sa bouche pincée et ses yeux froncés. Il illustre aussi bien la confiance en soi, la force, que la crainte et l’emprise. Le fond rouge en arrière-plan peut être interprété par le symbole du sang et la peur, ou bien par l’analogie du communiste stalinien (sa couleur symbolique étant le rouge). Il incarne le visage de cette ère nouvelle notée par la notion de grandeur.
L’environnement est lui aussi aménagé en faveur du Parti. La ville de Londres a perdu depuis longtemps son charme britannique. Elle ne possède pas de détails dans l’œuvre mis à part la description de gigantesques infrastructures du Parti. Les quatre ministères de l’Amour, de l’Abondance, de la Vérité et de la Paix la surplombent : « trois cent mètres de hauteur » qui illustrent bien l’omniprésence écrasante du parti dans la vie des hommes qui ne possèdent désormais plus de vie privée.
Le fonctionnement prospère du Parti du Big Brother se base en réalité sur le non-acquis. Le gouvernement sans cesse lutte contre ses supposés obstacles et ce, de manière discrète. Le monde de l’Océania a réussi à convaincre le peuple de sa nécessité. Pratiquement tout le monde adhère sans se poser de questions sur le bien et le bonheur. Toute notion passée est redéfinie. Pour commencer, la langue est modifiée laissant place à la « novlangue ». Arme fatale contre la liberté de penser, ce moyen d’expression signifiant mot à mot « nouvelle langue » réduit la diversité du vocabulaire en ne gardant que les mots utiles, c’est-à-dire ceux ayant un lien avec la vie sous le régime du Parti. Elle aboli certains termes comme « démocratie, science, justice, moralité, honneur » qui sont à présent dénués de sens ; ils n’existent plus car ce qu’ils représentaient auparavant est mort et enterré. La grammaire est elle aussi touchée par ce recul du savoir. Afin que la réflexion et l’expression soient limitées, les mots sont simplifiés : par exemple, l’antonyme de « bon » n’est plus « mauvais » mais « unbon ». Aucune exception n’est autorisée, « des chevaux » deviennent « des chevals ». De cette manière, l’intellectuel est bannit des esprits des hommes : une nouvelle valeur est créé « L’ignorance, c’est la force !». La préméditation de révolte et de pensée marginale est devenue impossible et ce, à l’encontre de la volonté de l’Homme.

Parmi cet univers futur complètement métamorphosé en une machine à hommes soumis, se trouverait-il un ou plusieurs sujets singuliers ? Le Parti a tout mis en œuvre pour éviter ces personnes menaçant l’équilibre totalitaire. Cependant, le roman nous trace l’évolution -d’un point de vue interne ou omniscient- de Winston Smith, 39 ans travaillant en tant que falsificateur de documents au Ministère de la Vérité (en novlang, Miniver). Il habite dans un immeuble plutôt délabré où il entretient dans une alcôve à l’abri du télé-écran, un journal secret ; support de ses pensées contraires au Parti. 


Winston


Orwell le présente ainsi comme un opposant du régime. Tout d’abord, physiquement : Winston est blond, maigre et frêle, tout le contraire de la prestance et du charisme que véhicule l’image aux cheveux bruns de Big Brother comme nous l’avons vu précédemment. Cette mise en scène défiant le protagoniste au régime totalitaire amène le lecteur à se mettre du côté de cet homme qui semble singulier et qui paraît être le seul à réfléchir en faveur de son bienêtre. Ensuite, ses contestations intérieures sont révélées lors des Deux Minutes de la Haine : message diffusé par le télé-écran de l’entreprise où l’on aperçoit des images de l’ennemi de l’Océania, se prénommant Goldstein qui incitent les employés à évacuer leur haine et leur colère par des cris et des gestes de furie. Winston est en dehors de cela. L’auteur le singularise et élève son personnage car ce dernier n’obéit pas à cette haine quotidienne imposée par le Parti ; ses sentiments ne doivent pas être orientés. Il est supérieur à la masse. Pour cela, Orwell n’a pas besoin de le glorifier au contraire, son infériorité physique  le rend plus humain face à la machine du Parti. Un homme est plus qu’un simple être parmi tant d’autres identiques comme veut le faire penser le gouvernement : il est particulier par son histoire, ses pensées, ses actes. C’est pourquoi l’auteur fait de Winston un protagoniste résistant, prenant des risques tout d’abord par ses pensées. Il se voit dorénavant comme opposant réel du Parti, se pose des questions sur une possible résistance. A cela s’ajoutent tous ses souvenirs du passé symbolisé par les rêves de bienêtre et de l’amour familial qu’il éprouvait à l’égard de sa mère avant le pouvoir totalitaire. Toute cette réflexion intime présente en réalité  le crime de pensée. Pour aller encore plus loin, l’écrivain évoque la notion d’utopie selon Winston qui nomme cet endroit imaginaire le « Pays doré » : il l’aide à s’échapper de la contre-utopie du totalitarisme, le rêve est un refuge mais un crime. Orwell prouve son engagement contre le totalitarisme et pour le pacifisme en associant à son personnage, le motif de l’amour. Après avoir été intrigué par une jeune femme brune, Winston se lie d’amour pour cet être qui partage les mêmes idées de révolte. Une lueur d’espoir et de bonheur vient percer le sombre ciel de l’Océania. Cette femme de 26ans se nomme Julia et travaille pour le Commissariat aux Romans (car bien évidemment, la culture est limitée et créé au profit du patriotisme). Le couple formera une union d’amour et de pensées. L’alliance est ici vue comme seule arme fatale contre une autre ligue -ici le gouvernement-. L’écrivain défend donc ici l’idée d’alliance des états pour lutter contre le régime totalitaire de l’URSS. Cependant, un faux pas gâcherait tout et c’est ce qui va arriver à notre protagoniste. Le roman est le support d’un réel parti pris de l’auteur : s’il veut prévenir, il doit choquer. Pour cela, Winston qui avait été le héros du lecteur, ne va pas s’en sortir. L’humanité qu’il représentait l’a mené au néant face à la trop puissante institution du Parti. Après avoir été piégé par le vieillard qui l’hébergeait, ainsi que par O’Brien qui se faisait passé pour un membre de la résistance secrète, il va se faire arrêter avec Julia. Aucune échappatoire n’est possible : il se fait torturer par cet O’Brien, qui se révèle être en réalité le chef de la police de la Pensée. Comment de tels hommes ont-ils pu incarner le peu d’humanité auquel espérait Winston ? Le lecteur se méprend, il ne comprend pas, et c’est le but d’Orwell. Ce dernier veut faire prendre conscience du pouvoir d’un régime qui change les hommes. L’Humanité est à préserver. Lors de son arrestation, le martyre de Smith lui montre les idées cruelles qu’il avait soutenues pour renverser le parti, il se rend ainsi compte qu’il était prêt à « tuer » ce qui lui ôte cette caractéristique d’humanité puisqu’il deviendrait aussi barbare que ses bourreaux. Plus tard, au fil des tortures des plus horribles qui lui sont infligées, notre héros se métamorphosera en un robot du Parti : il sera convaincu de ses bienfaits. Sa décadence morale se comprend lorsqu’il hurle qu’il préfère qu’on tue Julia plutôt qu’on continue de le torturer ; « Ce que vous lui faites m’est égal. Déchirez-lui le visage. Epluchez-la jusqu’aux os. Pas moi ! Julia ! Pas moi ! » Cette bestialité désacralise sa personne autrefois perçu comme héroïque. Cependant, cet évènement nous renseigne aussi sur l’obéissance de la population : les sujets doivent perdre leur humanité.


Voici comment George Orwell conçois la lutte contre le totalitarisme soviétique : l’alliance des hommes. Winston finira par être exécuté par le Parti alors qu’il venait d’y adhérer. Le chute du héros montre que chaque personne est voué à la mort ce qui renseigne sur l’inutilité d’un seul sujet dans un régime totalitaire. L’auteur engagé rend le lecteur méfiant d’un système politique qui se présente comme un modèle absolu. Ici, les valeurs sont complètement renversées où le Mal règne et où les hommes sont ôtés de leur humanité. Par ailleurs, il cherche à faire prendre conscience que la liberté est un don inestimable car le lecteur s’associe à Winston, il s’imagine vivre dans ce monde  semblable à l’enfer. Le roman dystopique lui fait réaliser ainsi que la démocratie est le meilleur système politique favorable à la condition de l’Homme et le personnage de Winston est le meilleur outil pour cette prise de conscience. La critique du totalitarisme de l’URSS est explicite, elle ouvre les yeux des populations civiles de l’Ouest sur la vie de l’Est et incite la lutte contre ce régime.

dimanche 16 février 2014

II/ Des inégalités sociales

L’époque du XIXème siècle a permis aux écrivains de puiser leur inspiration dans de nouveaux domaines. On retient principalement les thèmes sociaux et les héros du peuple. Hugo s’est ainsi appuyé sur ses deux grandes thématiques pour la composition de son chef d’œuvre, Les Misérables.  



Tout au long de sa vie, Victor Hugo s’est efforcé de lutter contre les injustices de son temps. Dans les grandes villes de France, tel Paris, s’était développée une terrible misère où un nombre incroyable de familles se logeaient dans de pauvres taudis. Ces hommes, femmes et enfants souffraient du froid en hiver et de la faim toute l’année.
Hugo, conscient de l’horreur de cette misère, a voulu, en écrivant Les Misérables, éveiller les esprits et démasquer les yeux de la triste réalité. Les gens du peuple, non atteints par cette pauvreté se voilaient la face, effrayés, dégoûtés ou même dérangés par ce qui les entourait. Pour Hugo, la misère n’était pas une fatalité. Dans son roman, l’écrivain fait découvrir à ses lecteurs le réel visage  des injustices et des misères de son temps : les mères qui doivent se prostituer afin de pouvoir nourrir leurs enfants, les enfants, d’un si bas âge qui sont envoyés pour travailler, les malheureux, si rongés par la faim, poussés au vol, à la criminalité, et toute une humanité humiliée, opprimée, privée de droits et de dignité, condamnée à la déchéance…
Hugo entame son combat contre la misère avec Le Dernier jour d’un condamné qu’il publie en 1829. Dans son roman, l’auteur réclame l’abolition de la peine de mort (car, plutôt que de couper des têtes, il vaut mieux, dit-il, s’attaquer à la misère qui est la principale cause de la criminalité). Il dénonce à nouveau la peine de mort avec Claude Gueux publié en 1834. A partir de l’année 1845, Hugo commence à rassembler plusieurs idées et plusieurs notes avec le projet d’écrire un vaste roman qui dépeindrait la société de son siècle. Il l’appellera d’abord Les Misères et le rebaptisera Les Misérables.
Hugo fut à la fois poète et écrivain mais aussi homme politique. Il siège à l’Assemblée en tant que député de Paris durant la Deuxième République, de 1848 à 1851. Il se fait entendre en demandant la mise en place de lois sociales qui amélioreraient le sort des pauvres et des déshérités.
En 1849, il prononce son Discours sur la misère devant l’Assemblée législative, discours qui restera célèbre : « La misère, messieurs, […] voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen-Âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ? […] Il y a dans Paris, […] des rues, des maisons, des cloaques, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, […] que des monceaux infects de chiffons en fermentation […]. Voilà un fait. Et voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres […] est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours. Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a troué une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon (lieu où étaient abattus les chevaux vieux ou malades ; leurs cadavres étaient jetés dans des charniers (des fosses). Ce lieu grouillait de rats, attirés par l’odeur pestilentielle des cadavres en décomposition) ! […] Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! »
Dans le cadre d’une enquête sur les conditions de vie des classes ouvrières, Hugo se rend, avec des députés, dans le Nord de la France, à Lille. L’écrivain visite les caves dans lesquelles travaillent les ouvriers de l’industrie textile, et ce qu’il voit le met en état d’alerte : des enfants mal et très peu vêtus, affamés, malades à cause du froid et fiévreux, des hommes et des femmes affaiblis, vieillis et usés bien avant l’âge à cause de leur travail, abrutis par le malheur…

Hugo, horrifié et révolté par ses découvertes dans les caves de Lille, rédige un discours sur ce sujet en mars 1851 : « Figurez-vous ces maisons, ces masures habitées du haut en bas, jusque sous terre, les eaux croupissantes filtrant à travers les pavés dans ces tanières où il y a des créatures humaines. Quelquefois, jusqu’à dix familles dans une masure, jusqu’à dix personnes dans une chambre, jusqu’à cinq ou six dans un lit, les âges et les sexes mêlés, les greniers aussi hideux que les caves, des galetas (logement sordide, taudis) où il entre assez de froid pour grelotter et pas assez d’air pour respirer ! »
Par la suite, Hugo interpelle les hommes faisant les lois : « Messieurs, je vous dénonce la misère ! […] Poursuivez-la, frappez-la, détruisez-la ! Car, je ne me laisserai jamais le redire, on peut la détruire ! La misère n’est pas éternelle ! Non ! je le répète en dépit des murmures, non, elle n’est pas éternelle ! Il est dans sa loi de décroître et de disparaitre. La misère, comme l’ignorance, est une nuit, et à toute nuit doit succéder le jour. » Pour conclure, Hugo écrit :  « Savez-vous ce qu’il y a des plus éloquent, ce qu’il y a de plus irrésistible, ce qu’il y a de plus terrible pour commencer les révolutions […], c’est un enfant qui crie à sa mère : j’ai faim ! »

Hugo ne prononcera pas ce discours à cause des évènements politiques qui vont suivre. En décembre 1851, le président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, modifie la Constitution (textes sur lesquels est fondée la République) et dissout l’Assemblée nationale. Il agit ainsi dans le but d’obtenir davantage de pouvoirs. C’est un coup d’Etat. La réaction du coup face à cet évènement fut la résistance puis l’exil. Il commence par se rendre en Belgique pour ensuite aller vers les îles anglophones. Pendant ce temps-là, en France, Louis-Napoléon Bonaparte devient empereur sous le nom de Napoléon III.
 Hugo fut en exil d’abord sur l’île de Jersey puis sur celle de Guernesey, au large des côtes normandes. Celui-ci exige que la République soit rendue aux Français ou il ne reviendra pas en France. Ainsi, dit-il : « Quand la liberté rentrera, je rentrerai. » Son exil s’étend sur vingt années (de 1852 à 1870, date à laquelle est proclamée la Troisième République). Cette période lui permettre de composer plusieurs recueils poétiques. A Guernesey, il achève Les Misérables en 1862.
Avant de publier le premier tome des Misérables, Hugo écrit à son éditeur belge en mars 1862 : « Ma conviction est que ce livre sera un des principaux sommets, sinon le principal, de mon œuvre. » L’écrivain avait juste.
L’action des Misérables se déroule sur dix-huit ans, de 1815 à 1833. A travers ce long roman, plusieurs personnages sont mis en scène et dont les destinées se croisent ce qui forme le récit. Jean Valjean est le personnage principal du livre et c’est autour de lui que s’organise le roman.

Dans Le Dernier jour d’un condamné publié en 1829, ou encore dans Claude Gueux, Victor Hugo exprime son horreur pour la peine de mort et son désir de la voir abolie comme il l’a aussi réclamé en tant que député. La préface ajoutée au premier de ces roman en 1832 est d’ailleurs très explicite : « L’auteur aujourd’hui peut démasquer l’idée politique, l’idée sociale, qu’il avait voulu populariser sous cette innocente et candide forme littéraire. ». Il déclare donc, ou plutôt il avoue hautement que : « Le Dernier jour d’un condamné n’est autre chose qu’un plaidoyer, direct ou indirect, comme on voudra, pour l’abolition de la peine de mort. »
L’immense roman de Victor Hugo, Les Misérables, est à la fois un réquisitoire pour dénoncer la misère du peuple au XIXème siècle et un plaidoyer qui en révèle la grandeur. C’est un peuple affamé de pain et de justice sociale qu’il représente magnifiquement à travers le destin de Jean Valjean, envoyé au bagne pour avoir volé un pain afin de nourrir sa famille. Après dix-neuf ans de bagne, il doit son salut à la bonté d’un évêque et trouve la rédemption en devenant le maire d’une petite ville et le bienfaiteur de Cosette qu’il recueille et dont il assure le bonheur.

Les Misérables est une œuvre majeure de la littérature du XIXème siècle. Ce roman dénonce la misère sociale du siècle.

Au début des Misérables, Jean Valjean a quarante-six ans. Il vient de passer dix-neuf ans au bagne, synonyme d’enfer. En effet, les conditions de vie des forçats étaient terribles. On les fait travailler, de l’aube jusqu’au soir jusqu’à ce qu’ils soient à bout de force avec les pieds fixés par de lourdes chaînes et la menace constante des bâtons des gardiens. Pour dormir, ils devaient se contenter de bancs en bois, pas de matelas ni de couverture et enchaînés à des anneaux de fer. Au moindre écart de conduite, c’était les coups de bâtons et le cachot.
Jean Valjean est né dans une humble famille de paysans. Il a toujours connu la misère et la pauvreté. Ayant perdu ses parents très jeune, c’est sa sœur Jeanne qui l’a éduqué. Etant devenu un homme, lorsque son aînée perdit son mari, Jean Valjean dût à son tour lui venir en aide. Se retrouvant veuve, Jeanne était seule avec sept petits enfants à la charge.

La cause de Jean Valjean est un des thèmes des Misérables les plus discutables. Un forçat rejeté par la société devient un homme honorable, mais son existence tranquille est troublée par son passé. Doit-il être condamné pour ses anciennes fautes ? La justice dans cette cause, est-elle vraiment juste ?
Un autre point des débats est la gravité de la punition. Il est souvent objecté que la misère de Valjean est hyperbolisée et qu’en réalité même à cette époque-là, on n’aurait pas condamné un homme aux galères pour le vol d’un pain. Aussi invraisemblable que cela paraisse, Hugo s’est inspiré de l’histoire réelle d’un galérien nommé Pierre Maurin. Celui-ci a été condamné en 1801 à cinq ans de  galères pour le vol d’un pain, motivé par une seule raison – il avait voulu nourrir les sept enfants affamés de sa sœur. Après sa libération, Maurin, comme Valjean, frappe à la porte d’un évêque – Monsignor Miollis, un modèle réel pour le personnage de Monseigneur Myriel – qui le sauve de son malheur.
Dans Les Misérables, Jean Valjean est un personnage de la plus haute importance – on peut suivre le développement de son caractère et de sa psychologie. Sa vie est dure du début à la fin, même s’il éprouve aussi des moments de joie. Dans son existence pénible, il faut souligner surtout trois événements qui ont eu une influence considérable sur lui et ont changé sa destinée. C’est la rencontre avec M. Myriel, l’affaire Champmathieu et la confession à Marius où, après de lourds combats intérieurs, Valjean prend de graves décisions.




Valjean était à l’origine un homme pauvre et malheureux, mais pas mauvais. Ce fut son séjour de dix-neuf au bagne qui lui a endurci le cœur : il «était entré au bagne sanglotant et frémissant ; il en sortit impassible ». Après sa libération, Valjean ne rencontre que mépris, haine et préjugés ; on le chasse de partout, on lui refuse gîte et couvert. Désespéré, il frappe à la porte qu’on lui a indiqué, sans savoir qu’il s’agit d’un évêché. Il se hâte d’avouer son identité et attend d’être chassé comme toujours, mais M. Myriel, un évêque, le traite avec compréhension, compassion et même avec considération. « [Dire] Monsieur à un forçat, c’est [donner] un verre d’eau à un naufragé ». Pourtant, ces quelques moments de gentil traitement ne peuvent pas éteindre dix-neuf ans de peine. Dans la nuit, Valjean se lève pour prendre la fuite – il résiste à l’idée de tuer l’évêque, mais il emporte l’argenterie, oubliant tous ses sentiments du soir. Quelques heures plus tard, il est pris par les gendarmes et amené chez M. Myriel. Celui-ci, qui comprend très bien la situation de Valjean, ne tarde pas à le sauver. Il déclare que l’argenterie était un cadeau et lui donne aussi des chandeliers d’argent. Valjean, stupéfait, ne comprend pas une telle bienveillance, mais son cœur durci n’est pas encore touché par les mots de l’évêque : « Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien. C’est votre âme que je vous achète; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition et je la donne à Dieu ». En se hâtant hors du village, Valjean est balloté par divers sentiments – sa haine et sa colère sont mêlées à l’humiliation et l’attendrissement. Mais il faut qu’il commette un dernier crime pour que son cœur fonde – après avoir volé un petit savoyard, il prend conscience de tout le mal qu’il a accompli et considère l’effet de l’acte de M. Myriel. « Alors son cœur creva et il se mit à pleurer. C’était la première fois qu’il pleurait depuis dix-neuf ans. ». Ainsi un bonhomme d’évêque réussit à convertir une âme presque damnée, et Valjean se débarrasse de son passé et change d’identité ainsi que sa vie entière.
Huit ans plus tard vit à Montreuil-sur-Mer M. Madeleine, un maire respectable au bon cœur ; personne ne reconnaît en lui l’ancien forçat Valjean. Pourtant il y a un homme qui  soupçonne son identité – un inspecteur de Montreuil nommé Javert, qui le dénonce, après certains événements, à la préfecture de police. Entre temps la police arrête un autre homme qu’elle considère comme Valjean, M. Madeleine est donc laissé tranquille. L’affaire paraît être conclue pour le maire – un homme inconnu assurera la vie paisible du Valjean réel qui a toutefois fait beaucoup d’effort pour redresser les abus du passé et gagner la reconnaissance de la société. Mais ce qui ne laisse pas Madeleine tranquille, c’est sa conscience. Peut-on laisser souffrir un autre homme, bien que criminel, pour ses propres péchés ? Il fait alors face à un dilemme terrible – doit-il se livrer et perdre les fruits de son effort de huit ans ou garder son secret, mais perdre la paix de sa conscience et la grâce de Dieu ? Cette question rage dans la tête de Valjean comme une tempête et il passe une nuit effroyable. Examinant tous les arguments, sa décision est toujours plus difficile. D’une part il a des responsabilités et  des projets - il est un bienfaiteur de la région qui s’occupe de ceux qui en ont besoin et  il emploie des gens pauvres dans ses fabriques ; de plus il a promis à Fantine, gravement malade, de lui amener sa petite fille. Mais d’autre part ne rien dire, cela signifie condamner un homme qui, peut-être, n’a commis aucun crime, aux galères à perpétuité – c’est presque la même chose que de le tuer. Il est clair que le premier choix serait plus avantageux pour Valjean, mais il se rend compte que son but est de « Sauver, non sa personne, mais son âme. », et que « Se livrer, sauver cet homme [...] c’était là vraiment achever sa résurrection, et fermer à jamais l’enfer d’où il sortait ». Alors, il se résout à assister à un procès et à prendre la décision finale sur place. Pour faire ainsi, il faut réaliser un voyage rapide et à cause de quelques complications, Valjean perd l’espoir d’arriver à l’heure. Il se dit que c’est une œuvre de la providence, mais toutefois il continue sa route. Finalement il arrive juste à temps pour prendre connaissance de la triste histoire de l’accusé Champmathieu et pour le sauver en avouant tout. Cet acte retransforme le maire honoré en galérien méprisé, mais sa conscience reste nette. Néanmoins ces moments d’horreur et de lutte intérieure laissent aussi une autre marque encore plus visible – les cheveux gris du maire deviennent tout à fait blancs.
Malgré tous les obstacles, Valjean finit par remplir sa promesse donnée à Fantine de s’occuper de sa fille abandonnée. Cosette devient le bonheur de sa vie, le sens unique de sa vie : « Aimé de Cosette, il se trouvait guéri, reposé, apaisé, comblé, récompensé, couronné, il n’en demandait pas d’avantage. ». Cependant il arrive un jour où sa vie presque idyllique avec Cosette est rompue par l’apparition de Marius – d’abord Valjean le hait, mais petit à petit il commence à comprendre que sa fille ne peut passer sa vie entière avec son « papa » vieilli. Alors, il supporte leur amour, il est prêt à se laisser tuer pour sauver la vie de Marius sur la barricade. Après leur mariage, Valjean se dit qu’il a accompli son devoir et que sa tâche est donc finie. Il se résout à abandonner Cosette pour qu’elle puisse être heureuse. Or cette décision est très douloureuse et signifie pour lui un grave sacrifice, Valjean doit donc prendre tout son courage pour faire le pas final – confier à Marius son identité. Il choisit le lendemain des noces de Cosette et Marius pour révéler à Marius son secret accablant. Il lui explique ses raisons d’agir : « Vous me demandez ce qui me force à parler ? une drôle de chose, ma conscience. » ; qu’il ne pouvait pas être assis à leur table « avec la pensée que, si vous saviez qui je suis, vous m’en chasseriez » et qu’il ne veut pas entacher leur avenir. Il se fait des reproches, s’humilie, tout en cachant ses bonnes actions – il considère ce sacrifice comme la punition finale de ses péchés : « pour que je me respecte, il faut qu’on me méprise ». Sa confession est émouvante, amère et si douloureuse qu’il ne peut s’empêcher de verser des larmes. Comme il l’a supposé, son aveu influence l’opinion de Marius qui ne comprend point ce caractère de martyre. Même s’il lui accorde des visites à Cosette, Marius commence bientôt à regretter sa faiblesse et fait sentir à Valjean qu’il est un visiteur importun. Ainsi poussé, Valjean se met en isolement total. Cette séparation est probablement le plus difficile de tous ses actes – « Le premier pas n’est rien ; c’est le dernier qui est difficile. Qu’était-ce que l’affaire Champmathieu à côte du mariage de Cosette et de ce qu’il entraînait ? ». Perdre une personne bien adorée est mille fois plus grave que perdre la liberté. Par ce dernier sacrifice, Valjean perd tout sauf sa conscience.
Toutefois la conscience, c’est la fortune la plus importante de Valjean. Éveillée par M. Myriel, elle joue un rôle considérable dans toutes ses décisions. « Je suis un galérien qui obéit à sa conscience, » dit-il. C’est avec elle que Valjean mène des luttes compliquées dans les situations difficiles et c’est elle encore qui triomphe toujours de ses côtés sombres. La conscience l’extrait du statut de forçat maudit et l’aide à rester un homme honnête, ou bien à devenir presque saint.
La cause de Jean Valjean est un des thèmes des Misérables les plus discutables. Un forçat rejeté par la société devient un homme honorable, mais son existence tranquille est troublée par son passé. Doit-il être condamné pour ses anciennes fautes ? La justice dans cette cause, est-elle vraiment juste ?
Un autre point des débats est la gravité de la punition. Il est souvent objecté que la misère de Valjean est hyperbolisée et qu’en réalité même à cette époque-là, on n’aurait pas condamné un homme aux galères pour le vol d’un pain. Aussi invraisemblable que cela paraisse, Hugo s’est inspiré de l’histoire réelle d’un galérien nommé Pierre Maurin. Celui-ci a été condamné en 1801 à cinq ans de  galères pour le vol d’un pain, motivé par une seule raison – il avait voulu nourrir les sept enfants affamés de sa sœur. Après sa libération, Maurin, comme Valjean, frappe à la porte d’un évêque – Monsignor Miollis, un modèle réel pour le personnage de Monseigneur Myriel – qui le sauve de son malheur.
Dans Les Misérables, Jean Valjean est un personnage de la plus haute importance – on peut suivre le développement de son caractère et de sa psychologie. Sa vie est dure du début à la fin, même s’il éprouve aussi des moments de joie. Dans son existence pénible, il faut souligner surtout trois événements qui ont eu une influence considérable sur lui et ont changé sa destinée. C’est la rencontre avec M. Myriel, l’affaire Champmathieu et la confession à Marius où, après de lourds combats intérieurs, Valjean prend de graves décisions.
Valjean était à l’origine un homme pauvre et malheureux, mais pas mauvais. Ce fut son séjour de dix-neuf au bagne qui lui a endurci le cœur : il «était entré au bagne sanglotant et frémissant ; il en sortit impassible ». Après sa libération, Valjean ne rencontre que mépris, haine et préjugés ; on le chasse de partout, on lui refuse gîte et couvert. Désespéré, il frappe à la porte qu’on lui a indiqué, sans savoir qu’il s’agit d’un évêché. Il se hâte d’avouer son identité et attend d’être chassé comme toujours, mais M. Myriel, un évêque, le traite avec compréhension, compassion et même avec considération. « [Dire] Monsieur à un forçat, c’est [donner] un verre d’eau à un naufragé ». Pourtant, ces quelques moments de gentil traitement ne peuvent pas éteindre dix-neuf ans de peine. Dans la nuit, Valjean se lève pour prendre la fuite – il résiste à l’idée de tuer l’évêque mais il emporte l’argenterie, oubliant tous ses sentiments du soir. Quelques heures plus tard, il est pris par les gendarmes et amené chez M. Myriel. Celui-ci, qui comprend très bien la situation de Valjean, ne tarde pas à le sauver. Il déclare que l’argenterie était un cadeau et lui donne aussi des chandeliers d’argent. Valjean, stupéfait, ne comprend pas une telle bienveillance, mais son cœur durci n’est pas encore touché par les mots de l’évêque : « Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien. C’est votre âme que je vous achète; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition et je la donne à Dieu ». En se hâtant hors du village, Valjean est balloté par divers sentiments – sa haine et sa colère sont mêlées à l’humiliation et l’attendrissement. Mais il faut qu’il commette un dernier crime pour que son cœur fonde – après avoir volé un petit savoyard, il prend conscience de tout le mal qu’il a accompli et considère l’effet de l’acte de M. Myriel. « Alors son cœur creva et il se mit à pleurer. C’était la première fois qu’il pleurait depuis dix-neuf ans. ». Ainsi un bonhomme d’évêque réussit à convertir une âme presque damnée, et Valjean se débarrasse de son passé et change d’identité ainsi que sa vie entière.
Huit ans plus tard vit à Montreuil-sur-Mer M. Madeleine, un maire respectable au bon cœur ; personne ne reconnaît en lui l’ancien forçat Valjean. Pourtant il y a un homme qui  soupçonne son identité – un inspecteur de Montreuil nommé Javert, qui le dénonce, après certains événements, à la préfecture de police. Entre temps la police arrête un autre homme qu’elle considère comme Valjean, M. Madeleine est donc laissé tranquille. L’affaire paraît être conclue pour le maire – un homme inconnu assurera la vie paisible du Valjean réel qui a toutefois fait beaucoup d’effort pour redresser les abus du passé et gagner la reconnaissance de la société. Mais ce qui ne laisse pas Madeleine tranquille, c’est sa conscience. Peut-on laisser souffrir un autre homme, bien que criminel, pour ses propres péchés ? Il fait alors face à un dilemme terrible – doit-il se livrer et perdre les fruits de son effort de huit ans ou garder son secret, mais perdre la paix de sa conscience et la grâce de Dieu ? Cette question rage dans la tête de Valjean comme une tempête et il passe une nuit effroyable. Examinant tous les arguments, sa décision est toujours plus difficile. D’une part il a des responsabilités et  des projets - il est un bienfaiteur de la région qui s’occupe de ceux qui en ont besoin et  il emploie des gens pauvres dans ses fabriques ; de plus il a promis à Fantine, gravement malade, de lui amener sa petite fille. Mais d’autre part ne rien dire, cela signifie condamner un homme qui, peut-être, n’a commis aucun crime, aux galères à perpétuité – c’est presque la même chose que de le tuer. Il est clair que le premier choix serait plus avantageux pour Valjean, mais il se rend compte que son but est de « Sauver, non sa personne, mais son âme. », et que « Se livrer, sauver cet homme [...] c’était là vraiment achever sa résurrection, et fermer à jamais l’enfer d’où il sortait ». Alors, il se résout à assister à un procès et à prendre la décision finale sur place. Pour faire ainsi, il faut réaliser un voyage rapide et à cause de quelques complications, Valjean perd l’espoir d’arriver à l’heure. Il se dit que c’est une œuvre de la providence, mais toutefois il continue sa route. Finalement il arrive juste à temps pour prendre connaissance de la triste histoire de l’accusé Champmathieu et pour le sauver en avouant tout. Cet acte retransforme le maire honoré en galérien méprisé, mais sa conscience reste nette. Néanmoins ces moments d’horreur et de lutte intérieure laissent aussi une autre marque encore plus visible – les cheveux gris du maire deviennent tout à fait blancs.
Malgré tous les obstacles, Valjean finit par remplir sa promesse donnée à Fantine de s’occuper de sa fille abandonnée. Cosette devient le bonheur de sa vie, le sens unique de sa vie : « Aimé de Cosette, il se trouvait guéri, reposé, apaisé, comblé, récompensé, couronné, il n’en demandait pas d’avantage. ». Cependant il arrive un jour où sa vie presque idyllique avec Cosette est rompue par l’apparition de Marius – d’abord Valjean le hait, mais petit à petit il commence à comprendre que sa fille ne peut passer sa vie entière avec son « papa » vieilli. Alors, il supporte leur amour, il est prêt à se laisser tuer pour sauver la vie de Marius sur la barricade. Après leur mariage, Valjean se dit qu’il a accompli son devoir et que sa tâche est donc finie. Il se résout à abandonner Cosette pour qu’elle puisse être heureuse. Or cette décision est très douloureuse et signifie pour lui un grave sacrifice, Valjean doit donc prendre tout son courage pour faire le pas final – confier à Marius son identité. Il choisit le lendemain des noces de Cosette et Marius pour révéler à Marius son secret accablant. Il lui explique ses raisons d’agir : « Vous me demandez ce qui me force à parler ? une drôle de chose, ma conscience. » ; qui ne pouvait pas être assis à leur table « avec la pensée que, si vous saviez qui je suis, vous m’en chasseriez » et qu’il ne veut pas entacher leur avenir. Il se fait des reproches, s’humilie, tout en cachant ses bonnes actions – il considère ce sacrifice comme la punition finale de ses péchés : « pour que je me respecte, il faut qu’on me méprise ». Sa confession est émouvante, amère et si douloureuse qu’il ne peut s’empêcher de verser des larmes. Comme il l’a supposé, son aveu influence l’opinion de Marius qui ne comprend point ce caractère de martyre. Même s’il lui accorde des visites à Cosette, Marius commence bientôt à regretter sa faiblesse et fait sentir à Valjean qu’il est un visiteur importun. Ainsi poussé, Valjean se met en isolement total. Cette séparation est probablement le plus difficile de tous ses actes – « Le premier pas n’est rien ; c’est le dernier qui est difficile. Qu’était-ce que l’affaire Champmathieu à côte du mariage de Cosette et de ce qu’il entraînait ? ». Perdre une personne bien adorée est mille fois plus grave que perdre la liberté. Par ce dernier sacrifice, Valjean perd tout sauf sa conscience.
Toutefois la conscience est la fortune la plus importante de Valjean. Éveillée par M. Myriel, elle joue un rôle considérable dans toutes ses décisions. « Je suis un galérien qui obéit à sa conscience », dit-il. C’est avec elle que Valjean mène des luttes compliquées dans les situations difficiles et c’est elle encore qui triomphe toujours de ses côtés sombres. La conscience l’extrait du statut de forçat maudit et l’aide à rester un homme honnête, ou bien à devenir presque saint.

Jean Valjean, le personnage principal de Les Misérables de Victor Hugo, est un homme intégral de l’histoire de la rédemption d’une société corrompt. Symboliquement, la force de Valjean représente son courage interne pour changer sa situation. Bien que ses expériences passées étaient criminelles et injustes, il change sa vie et il peut aider les autres misérables. Il prouve qu’il est un homme valable par sa tutelle de Cosette et ses actes bienveillants pendant les temps de violence et fouillis. La métamorphose de Valjean dans Les Misérables lui permet d’aider le peuple et montre la compassion dans leurs cœurs.



« Elle se nommait Fantine. Pourquoi Fantine ? On ne lui avait jamais connu d’autre nom. » Victor Hugo, les Misérables, tome I, lire 3, chapitre 2
« Fantine était un de ces êtres comme il en éclot, pour ainsi dire, au fond du peuple. Sortie des plus insondables épaisseurs de l’ombre sociale, elle avait au front le signe de l’anonyme et de l’inconnu. Elle était née à Montreuil-sur-Mer. De quels parents ? Qui pourrait le dire ? On ne lui avait jamais connu ni père ni mère. […] A dix ans, Fantine quitta la ville et s’alla metrre en service chez les fermiers des environs. A quinze ans, elle vint à Paris « chercher fortune ». Fantine était belle et resta pure le plus longtemps qu’elle put. C’était une jolie blonde avec de belles dents. Elle avait de l’or et des perles pour dot, mais son or était sur sa tête et ses perles étaient dans sa bouche. Elle travailla pour vivre ; puis, toujours pour vivre, car le cœur a sa faim aussi, elle aima. Elle aima Tholomyès. »
Félix Tholomyès, fils de riches bourgeois établis à Toulouse, était venu faire ses études à Paris, où il menait une joyeuse vie. Fantine tomba amoureuse de cet étudiant insouciant, un peu poète à ses heures, et elle céda sans doute trop vite à sa passion, sans se rendre compte que cette passion n’était pas partagée : pour Tholomyès, en effet, Fantine n’était qu’une amourette, qu’une de ces filles comme il y en a tant dans Paris et qu’on appelle des grisettes : de modestes ouvrières qu’on attrape facilement avec de belles paroles et de jolis cadeaux, qu’on aime le temps d’une aventure, puis qu’on abandonne sans regret.
Fantine et Tholomyès devinrent donc amants, et ce bonheur dura un peu plus de deux ans, durant lesquels Fantine mit au monde une petite fille, qu’elle prénomma Euphrasie, mais à laquelle elle donna le tendre surnom de Cosette. Et puis un jour vint où Tholomyès, ses études à peu près achevées, décida de regagner la province, où l’attendaiit une vie confortable de bourgeois rangé. Dans cette vie-là, Fantine n’avait pas sa place. La petite Cosette encore moins : Tholomyès n s’était jamais interessé à elle, et il ne se souciait pas plus du sort de sa fille que de celui de Fantine.
Fantine pleura. Depuis le début de sa liaison avec Tholomyès, elle avait cessé de travailler, et goûté aux joies de la vie facile. Désormais, elle se trouvait sans ressources et condamnée à la déchéance. Car, au début du XIXème siècle, la morale condamnait sévèrement les filles-mères, c’est-à-dire les femmes qui avaient un enfant sans être mariées. Ces femmes-là étaient méprisées et rejetées par la société.
Lorsque Fantine quitta Paris et retourna à Montreuil-sur-Mère, la ville où elle avait grandi, elle trouva la famille des Thénardier pour garder Cosette. La mère devait, bien évidemment, payer une somme régulièrement qui augmenta progressivement.
Mais dès que Fantine fut partie, les Thénardier traitèrent Cosette avec la plus grande cruauté : « on l’habilla des vieilles jupes et des vieilles chemises des petites Thénardier, c’est-à-dire de haillons. On la nourrit des restes de tout le monde, un peu mieux que le chien et un peu plus mal que le chat. […] Cosette mangeait avec eux sous la table dans une écuelle de bois pareille à la leur. »
Souvent Fantine écrivait (ou plutôt, elle faisait écrire, car elle ne savait ni lire, ni écrire) pour avoir des nouvelles de sa fille ; on lui répondait que Cosette se portait à merveille ? mais la pauvre enfant était en réalité maltraitée ; sur elle pleuvaient les coups et les injures, car les Thénardier étaient de méchantes gens, de mauvaises âmes.

Fantine est d’un tempérament doux, elle est courageuse et généreuse pour sa fille, mais elle aussi faible et naïve, elle se laisse abuser facilement.
Elle n’est pas maîtresse de son destin : elle subit le destin qui est matérialisé par les Thénardier, la société, ils sont sans pitié.

Fantine est le personnage misérable entre tous. Victime de son injuste destin, dès sa naissance – elle n’a pas de famille, pas de nom – poursuivie par le malheur, abandonnée par celui qu’elle aime, abusée par les gens sans scrupule : Tholomyès, les Thénardier, le fabricant de perruques, l’arracheur de dents, elle cumule tous les malheurs, la cruauté d’un bourgeois et l’implacable rigueur de Javert…
Hugo prend Fantine d’autant plus « misérable », pitoyable et émouvant, qu’elle était au départ très jolie, pure, naïve. Il dénonce à travers elle, ce qui fut le sort de bien des jeunes filles de campagne quia allèrent « chercher fortune » à Paris : la trahison amoureuse, les enfants non voulus, la misère matérielle et morale, l’abandon et le mépris de la société bien pensante envers les filles-mères.
A travers le personnage de Fantine, l’auteur dénonce le sort des femmes du peuple au XIXème siècle.




Gavroche, né en 1820, est le fils des Thénardier qui rejettent leur fils. Le « gamin de Paris » se retrouve alors livré à lui-même dans les rues de la ville. Il dort, mange dans la rue et se débrouille tout seul.
Gavroche meurt le 6 juin 1832 alors qu’il chantait une chanson célèbre :
 « Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à … Rousseau. »

 Deux balles lui furent tirées dans la tête.

Quand Hugo évoque, dans Les Misérables, les émeutes parisiennes qui tentent de renerser la monarchie de Juillet, en dressant les barricades dans les rues de Paris, en juin 1832, il choisit la figure emblématique de Gavroche. Celui-ci symbolise parfaitement le peuple des « Misérables » qui mobilise sa vitalité, sa vivacité d’esprit dans ce mouvement de révolte : « […] il ranimait les fatigués […] mettait les uns en gaieté, les autres en haleine […] tous en mouvement, piquait un étudiant, mordait un ouvrier ; se posait, s’arrêtait repartait, volait au-dessus du tumulte et de l’effort, sautait de ceux-ci à ceux-là, murmurait, bourdonnait, et harcelait tout l’attelage ; mouche de l’immense Coche révolutionnaire. » La longue énumération des verbes d’action, comme la métaphore « moche du Coche » qui fait allusion à la célèbre fable de La Fontaine « Le Coche et la Mouche », insistent sur son extraordinaire efficacité, son activité communicative. A travers ce personnage, Hugo contribue à la création d’un véritable mythe révolutionnaire. Car le romancier sait aussi captiver et séduire son lecteur en créant des personnages emblématiques auxquels le lecteur peut s’identifier.